Intervention à l’occasion du
Cinquantenaire du Collège St Michel de Gosselies
Michel MALHERBE et Véronique BIESAGA m’ont invité à prendre la parole devant vous sur le thème de l’avenir de l’enseignement catholique. Je les en remercie, ainsi que celles et ceux qui ont pris l’initiative d’organiser les festivités à l’occasion de l’année jubilaire du Collège Saint Michel à Gosselies.
Une telle fête est toujours l’occasion d’entretenir le souvenir, de cultiver une mémoire, de faire écho à un passé que l’on sait révolu. Mais ce peut aussi être l’occasion de réfléchir à frais nouveaux sur les mutations qui, en traversant la société, ont aussi traversé l’école. La mémoire du passé peut alors être lue comme la mémoire d’une transformation, mémoire de ce qui est permanent et mémoire de ce qui évolue. Les hasards du calendrier de ces derniers jours nous rappellent, si besoin en était, dans quel mouvement, dans quelle tradition le collège est né et s’est développé. Il y a 10 jours, nous avons fêté les 150 ans du Collège Saint François Xavier de Verviers, et il y a deux jours, le centenaire du Collège Saint Michel à Bruxelles.
Si comme les humanistes de la Renaissance, nous pensons que l’innovation ne peut se construire que dans un rapport à la tradition, alors la mémoire du passé pourra, par une alchimie toute particulière, se transformer en une précieuse mémoire pour l’avenir.
A l’occasion du congrès que l’enseignement catholique a tenu en 2002, trois grands défis ont été identifiés pour l’avenir : ces grands défis, que je vous présente à l’instant, nous guident aujourd’hui dans nos réflexions et nos actions.
Le premier est celui du sens, celui de la pertinence de la tradition chrétienne dans l’acte d’éduquer. Et la réponse à cette question dépend très profondément du diagnostic que nous portons sur la situation culturelle de nos contemporains, du regard et de l’analyse que nous portons sur la société moderne. Ce que nous avons mieux compris dans cette réflexion c’est qu’il existe un lien très profond entre le sens de l’école catholique et le sens de l’école tout court. Non bien sûr, que seul l’enseignement catholique soit porteur de sens, mais parce que, dans une époque où le sens de l’école est quotidiennement interrogé, et d’abord par les élèves eux-mêmes, il existe dans la tradition chrétienne de l’éducation des ressources pour penser les questions dans un contexte en profonde mutation. Nous avons alors construit notre réflexion à partir de quatre grands scénarios empruntés à un professeur de la KUL pour penser l’avenir de la référence chrétienne de son université :
-
le premier scénario est celui de la sécularisation
institutionnelle : dans ce scénario, que nous
n’avons pas retenu, l’institution cesse de se
référer
explicitement au christianisme et cesse littéralement
d’être
chrétien ;
- le second scénario est celui de la reconfessionnalisation institutionnelle : dans cette hypothèse, l’institution se recentre sur son identité confessionnelle sans considération pour le pluralisme réel qui s’est développé à l’intérieur des écoles. C’est le scénario, que nous n’avons pas retenu non plus, d’un enseignement catholique, par des catholiques et pour des catholiques.
le troisième scénario est celui de la réduction de la référence chrétienne aux valeurs. Dans cette hypothèse, on ne conserve, en réalité, de l’attitude chrétienne que ce que tout le monde peut en accepter : la référence à la dignité de la personne humaine, le respect du prochain. Nous n’avons pas non plus retenu ce scénario pour penser le sens de l’école catholique même si ces valeurs nous font vivre et qu’elles sont très fortes ;
nous avons retenu un quatrième scénario qui est celui qui vise à mobiliser la référence à la tradition chrétienne au service de la formation de l’identité des élèves dans un contrat de pluralité des conditions.
Dans cette perspective, les références fondatrices méritent toujours d’être réinterrogées. On ne naît pas homme, mais on le devient, dans un travail sur soi, en relation avec autrui et par l’intermédiaire de la culture et de ses symboles. Dans ce travail-là, nul doute qu’une place de choix doive être réservée à la tradition chrétienne qui, à côté d’autres traditions comme celle des lumières, est à la source de notre conception de l’homme et de son rapport au monde.
Et dans le champ de l’éducation elle-même, quelques difficiles questions méritent d’être progressivement reprises, comme la manière d’articuler la référence à la liberté mais aussi à l’autorité, la référence à l’individu, mais aussi à la société, la référence à l’autonomie de l’enfant, à ses aspirations propres et spontanées, mais aussi la référence à la culture dans laquelle il est appelé à trouver des repères qui lui sont au départ, relativement extérieurs. L’enfance elle-même, cet âge merveilleux que nous valorisons tant, n’est qu’une étape, une transition vers l’âge adulte qui doit aussi être valorisé, perçu comme une sorte de point d’aboutissement désirable : il y va du sens même de l’acte d’éduquer dont le propre est, précisément, de conduire de l’enfance vers l’âge adulte.
Le deuxième défi est celui de la contribution de l’enseignement catholique
à un enseignement plus juste et plus efficace. La question la plus préoccupante est que, en Communauté française, environ 30 % des adolescents n’acquièrent pas la maîtrise de la lecture et du français qui leur permette de construire ensuite des compétences solides dans d’autres disciplines. Les enquêtes internationales nous apprennent que ce pourcentage est exceptionnellement élevé. Dans les pays ou régions comparables, ces difficultés ne concernent qu’environ 18 % des adolescents, et on sait par ailleurs que les mutations rapides du monde du travail et de ses exigences confèrent à ce problème une dimension sociale inédite. Ce qui se joue, c’est l’intégration dans la société de 30 % des jeunes.
L’opinion publique elle-même a pris conscience de l’ampleur du problème
et attend qu’une évolution intervienne. C’est dire si demain l’enseignement catholique, au même titre que les autres réseaux d’enseignement, verra sa légitimité aux yeux de l’opinion et des autorités de plus en plus liée à sa capacité effective à améliorer la qualité et l’efficacité de l’enseignement.
Vous le savez, ces questions font l’objet de débats difficiles et souvent contradictoires comme ce fut le cas dans les délibérations relatives au contrat pour l’école. L’optique que nous défendons tout comme les grandes idées que nous développons dans les concertations concrètes auxquelles nous invite le gouvernement quand il prépare de nouveaux projets sur l’évaluation, la réforme de l’inspection, la fonction des enseignants, le statut des directeurs ou les besoins scolaires.
1re idée : Valoriser l’autonomie et le professionnalisme des acteurs et introduire une nouvelle culture de responsabilité. Chacun, suivant son rôle, a sans doute des comptes à rendre, mais alors, chacun doit aussi disposer d’une liberté suffisante de méthode et avoir à sa disposition les outils d’analyse et d’évaluation des résultats de son action.
2e idée : Reconsidérer le rôle de l’Etat et le recentrer sur sa fonction propre qui est la régulation, c'est-à-dire renoncer à définir de manière trop détaillée les processus à mettre en œuvre, définir des objectifs d’équité et d’efficacité à atteindre par les acteurs individuels et collectifs et enfin évaluer la mesure dans laquelle ces objectifs sont atteints.
3e idée : Inciter le réseau à promouvoir la solidarité et la responsabilité partagée entre les pouvoirs organisateurs par une bonne organisation de l’offre d’enseignement , par la mise en commun de certaines ressources matérielles et financières et par l’organisation collectives de certaines fonctions administratives.
A cet égard, vous le savez, l’amélioration programmée de l’assistance administrative au bénéfice des écoles fondamentales constitue pour nous une priorité tout comme le suivi permanent des conditions matérielles dans lesquelles les pouvoirs organisateurs développent leurs actions et, en particulier, le suivi des subventions de fonctionnement, les répercussions de chocs économiques comme l’augmentation du prix du mazout et les modalités de financement des bâtiments scolaires.
Le troisième défi que nous avions identifié est celui de la légitimité. Le SeGEC a, sous la direction du Chanoine BEAUDUIN, mené à bien une importante réforme de ses statuts. On en perçoit aujourd’hui les résultats concrets que nous devons consolider. En fondant le « nouveau SeGEC » sur le principe de la représentation des pouvoirs organisateurs, au travers des CODIEC et de l’AG du SeGEC, nous avons opéré une mutation importante qui situe bien ce que nous essayons de faire, assurer, d’une part, la représentation des PO auprès des autorités politiques et, d’autre part, organiser à leur intention et à celle des établissements, différents services destinés à les aider dans l’exercice de leurs missions. A cet égard, comme l’on fait les fondateurs du siècle dernier, il nous revient à chacun dans nos responsabilités de nous interroger sur notre époque et sur l’adaptation de notre mission et de notre organisation. Je suis sûr que le jubilé du Collège Saint Michel sera aussi pour vous l’occasion d’une telle réflexion.
Je vous la souhaite féconde sans oublier de vous souhaiter d’abord un très heureux anniversaire.
Etienne
MICHEL
Directeur
général du SeGEC
30.09.2004
Saint-Michel - Gosselies – 50e Anniversaire